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Nous ne voulons pas d'un registre de transparence erroné

13.04.2022 13:54 – Philippe Wenger

La loi sur la transparence est prête. Il faut maintenant que l'ordonnance qui l'accompagne soit adoptée. Lobbywatch.ch a examiné de près le projet de loi - et y a ajouté son avis.

Michel Huissoud n'a pas été le seul à nous surprendre en proposant publiquement de tester le futur registre de transparence avec des volontaires. Huissoud est le directeur du Contrôle fédéral des finances, CDF, c'est-à-dire l'autorité qui veillera probablement bientôt sur un registre dans lequel seront enregistrés les flux financiers de la politique fédérale. Quelle campagne de votation reçoit combien d'argent, et de qui? De quelles sources la candidate XY tire-t-elle l'argent de sa campagne électorale? Les données officielles permettront de répondre à de telles questions à partir des élections au Conseil national et au Conseil des Etats de 2023, comme l'avait rapporté Lobbywatch en juin 2021. Nous sommes prêts pour cela.

La proposition de Huissoud était de bon augure pour l'ordonnance relative à la loi sur la transparence, et ça tombe bien. Une ordonnance concrétise les grandes orientations données par une loi. Par exemple, l'été dernier, le Parlement fédéral a écrit dans la loi: "quelqu'un doit tenir un registre de transparence dont le contenu est contrôlé". Dans le projet d'ordonnance, dont le nom abrégé est OFipo, il est désormais écrit: le CDF veille sur ce registre et effectue les contrôles par sondage.

Lobbywatch.ch a pu examiner le projet de cette OFipo et nous avons fait part de notre conclusion à la Confédération. Le projet est fondamentalement bon, mais il reste encore quelques lacunes à combler. Celles et ceux qui souhaitent lire l'intégralité de notre réponse peuvent le faire dans le document lié tout en bas de la page.

Voici nos principales critiques:

Sommes-nous bientôt submergés par les "comités de liberté", les "groupes pour la raison" et les "mouvements pour la responsabilisation"?

L'OFipo stipule que celui qui mène une campagne électorale ou de votation doit rendre ses flux monétaires publics. Mais celui qui se contente de récolter des fonds et de les remettre ensuite à un comité de vote n'est pas concerné. Ainsi, celui qui craindrait la transparence et souhaiterait contourner la loi pour son élection pourrait créer une "équipe pour une Suisse forte" dont l'administration serait gérée par un avocat. Cette "équipe" collecterait les fonds, qui seraient ensuite remis au comité électoral proprement dit. Le comité électoral présenterait alors, conformément à la loi, l'"équipe pour une Suisse forte" comme le bailleur de fonds, sans que la transparence sur les donations n'ait été établie. Une disposition très comparable dans le canton de Genève suggère que cela pourrait se passer ainsi. Lobbywatch.ch gardera un œil sur ce point.

A partir de quand une campagne commune est-elle vraiment commune ?

Dès qu'une campagne électorale ou de votation coûte plus de 50 000 francs, il faut sortir du bois et déclarer qui sont les grands donateurs. Au lieu de mener une grande campagne, on pourrait être tenté de mener plusieurs petites campagnes pour rester à chaque fois en dessous des 50 000 francs. Afin d'éviter cela, il existe dans la OFipo la notion de gestion commune des campagnes. Si cela semble au premier abord une bonne idée, dans le projet, le seuil à partir duquel une campagne est commune est tellement élevé qu'il faut presque s'efforcer de ne pas mener plusieurs petites campagnes par erreur. Nous sommes d'avis que toute action visant un objectif politique commun constitue une "campagne commune".

Le registre qui se dissout de lui-même

Dans le domaine scientifique axé sur les données, c'est un lieu commun: plus un ensemble de données remonte loin dans le temps, plus il est pertinent. Cela vaut également pour le registre exigé par la loi sur la transparence: plus il vieillira, plus il aura accumulé de données sur le financement, et plus il sera utile pour obtenir des réponses. Il mûrit donc avec l'âge. Lors de l'élaboration du projet de la OFipo, il semble que l'on n'ait pas encore tenu compte de cette connaissance générale. En effet, les données doivent être effacées du registre après cinq ans. Pourquoi? Aucun commentaire n'est fait à ce sujet. Nous demandons que cette limitation dans le temps soit supprimée, et sans être remplacée.

Le registre erroné

Imaginez que vous passez un examen scolaire et que vous répondez (volontairement?) mal à une question. Votre enseignante découvre cette erreur, mais l'école lui a interdit de la marquer au crayon rouge. Ceci parce qu'il n'a été stipulé nulle part que les erreurs découvertes devaient également être notées.

C'est à peu près de cette manière que le Conseil fédéral (dans cet exemple, "l'école") argumente sur la manière dont l'autorité de contrôle ("l'enseignante") doit traiter les informations fournies. Cette position est absurde. La législation ne mentionne probablement rien sur "la dénonciation des erreurs", car c'est tellement évident: celui qui trouve une erreur le signale (et assure la correction de l'erreur). Sur mandat du CDF, l'université de Berne a rédigé une expertise intéressante sur ce thème précis. On peut y lire: "Or, pour qu’il y ait transparence véritable, il faut que les données publiées correspondent à la vérité. La transparence et la véracité vont de pair; l’une n’a aucun sens sans l’autre."

Nous sommes également d'avis que des données erronées n'ont pas leur place dans un registre qui ne peut créer de la transparence et de la confiance que par des données correctes.

Avec ces adaptations, le OFipo constitue également une bonne base pour découvrir une nouvelle facette de la politique suisse à l'automne électoral 2023: sa transparence.

Annonce d'événement

Celles et ceux qui souhaitent en savoir plus sur les débats politiques en matière de transparence peuvent assister jeudi 21 avril à la partie publique de l'Assemblée générale de Lobbywatch, qui se déroulera en ligne. La conseillère aux États genevoise Lisa Mazzone sera présente pour répondre à nos questions. Tenez-vous prêts à partir de 20 heures!