LogoLobbywatch

Le double lobbyiste

04.02.2023 18:08 – Otto Hostettler

Un «modèle de parrainage» absurde: Jürg Aschwanden, le lobbyiste en chef d’UPC/Sunrise, possède deux badges d’accès au Palais fédéral.

En Suisse, les lobbyistes voulant accéder de manière exclusive et illimitée aux espaces non-publics du Palais fédéral doivent tout simplement bien connaître un ou une parlementaire. La loi correspondante prévoit que chaque membre du Conseil national et du Conseil des Etats peut remettre une carte d’accès à deux personnes, selon son bon vouloir. Il n’y a aucune obligation spécifique pour ces personnes, par exemple en matière de transparence. C’est pourquoi ces cartes d’accès, également appelées «badges de parrainage», sont particulièrement appréciées par les lobbys.

Un exemple montre aujourd’hui à quel point ce système est absurde: Jürg Aschwanden, le lobbyiste d’UPC/Sunrise, possède, selon la liste des services du Parlement, deux badges exclusifs de ce type. Il en a reçu une du conseiller national UDC tessinois Piero Marchesi, et une autre de Lorenzo Quadri, membre du parti populiste de droite la Lega. Dans le registre, Marchesi a déclaré que la fonction d’Aschwanden est liée à Liberty Global/SUN. Quadri, lui, a noté qu’elle est liée à UPC. En réalité, il s’agit d’une seule et même entité. En effet, le fournisseur d’accès et opérateur de réseau câblé UPC a fusionné avec Sunrise en mai 2022 et fait maintenant partie du groupe international Liberty Global. Le titre officiel d’Aschwanden: Director Government Affairs. En français: lobbyiste en chef.

Lobbywatch a demandé aux services du Parlement de clarifier si ces deux cartes d’accès se référant à des fonctions différentes se rapportaient bel et bien à la même personne. La réponse de Berne: «Les noms et les fonctions de ces personnes sont publiés sur Internet. Les Services du Parlement ne sont pas autorisés à communiquer d’autres informations, par exemple leurs coordonnées.» Et d’ajouter que Lobbywatch devrait se renseigner auprès des parlementaires concernés.

En clair, cela signifie que les Services du Parlement n’exercent aucun contrôle sur les personnes qui ont un accès illimité à la partie non-publique du Palais fédéral. Même en cas d’erreurs manifestes, ils n’interviennent pas. Lobbywatch tombe régulièrement sur des données obsolètes ou sur des noms erronés. Au Palais fédéral, on estime que c’est aux parlementaires du Conseil national et du Conseil des Etats d’inscrire et de désinscrire correctement leurs invité-es.

La loi ne prévoit en réalité aucun contrôle. N’importe qui pourrait donc, en théorie, obtenir un badge d’accès, y compris des criminels condamnés ou des personnes recherchées par la police. Ou le badge d’accès pourrait être vendu au plus offrant. Le facteur décisif pour un lobbyiste qui souhaite entrer au Parlement fédéral est de facto une relation particulièrement étroite avec un ou une membre du Parlement. Il n’y a pas d’exigences ou de conditions pour les invités des parlementaires.

Une autre réglementation, plus sérieuse, pour un système d’accès, n’a jusqu’à présent pas trouvé de majorité au Parlement fédéral. En 2015, Didier Berberat, alors conseiller socialiste aux Etats, a demandé un système d’accréditation pour les lobbyistes. L’idée de ce registre des lobbyistes était la suivante: celles et ceux remplissant des critères objectifs, notamment en matière de transparence, recevraient un badge d’accès délivré par une instance habilitée à prendre des décisions – par exemple le bureau du Parlement. Ce ne serait donc plus la proximité avec les politicien-nes qui serait déterminante pour l’accès au Palais fédéral, mais la publication complète des liens d’intérêts. Cinq ans et de nombreux débats plus tard, la proposition a été enterrée au Parlement.

Le lobbyiste d’UPC/Sunrise Jürg Aschwanden assure d’ailleurs à Lobbywatch qu’il dispose d’un badge d’accès du conseiller national Marchesi depuis la session d’hiver 2022. Il a rendu le badge du conseiller national Quadri « en même temps ». Seuls les services du Parlement ne l’ont pas encore remarqué.