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Amis russes

24.05.2021 21:46 – Thomas Angeli

Trois personnalités politiques veulent faire revivre le groupe d’amitié parlementaire Suisse-Russie. Pas discrètement, mais en organisant une grande fête dans le très chic hôtel Bellevue Palace de Berne. Parmi eux: un invité de prestige - et des bailleurs de fonds inconnus.

Lorsque des groupes parlementaires sont fondés, cela ne fait généralement pas l’objet d’annonces. En de telles occasions, une poignée de politicien-ne-s se réunissent dans une salle de réunion du Palais fédéral afin de traiter une question de manière transpartisane et chercher des solutions, et il-elle-s créent le groupe sans trop d’histoires.

Le groupe d’amitié Suisse-Russie existait déjà des années plus tôt. Pourtant, sa renaissance n’aura pas lieu simplement dans une salle de réunion, mais au sein du bâtiment le plus noble des environs : le « Bellevue Palace ». Le groupe invite tous les membres du Conseil national et du Conseil des États à s’y rendre le 1er juin. Le président de la FIFA, Gianni Infantino, sera présent, ainsi que l’experte en matière de lutte contre la corruption, Sylvia Schenk de Transparency Germany. La discussion sera présidée par le conseiller municipal de Zurich et ancien présentateur de télévision Filippo Leutenegger. Selon le « Tages-Anzeiger », l’ambassadeur russe, Sergei Garmonin, est également invité.

Ce ne sont « pas des claqueurs de Poutine », a expliqué le coprésident désigné Roland Büchel (UDC, SG) au « Tages-Anzeiger » en faisant référence au large soutien politique de la présidence : outre Büchel, Fabian Molina (PS, ZH) et Heidi Z’graggen (Centre, UR) y siègent également.

Mais lorsqu’un groupe parlementaire convie des hôtes dans l’un des établissements les plus onéreux de la ville et qu’il invite des personnalités de premier plan, la question se pose inévitablement : qui finance cet événement ?

Lobbywatch a interrogé le co-président Roland Büchel - et a été renvoyé par celui-ci à Filippo Lombardi, ancien membre du Conseil des États du Tessin. Lombardi avait été président du groupe parlementaire de 2014 à 2019. Ce n’est qu’après une nouvelle enquête que Büchel a finalement répondu au sujet du financement : « L’association Alpine Arena for Friendship assure le budget de l’événement avec des mécènes, qui reste de toute façon dans des limites raisonnables. »

Mais où cette organisation trouve-t-elle l’argent ? L›« Alpine Arena for Friendship » a été fondée en 2017 par Lombardi, l’investisseur égyptien Samih Sawiris et le boucher et ancien président du conseil communal d’Andermatt Ferdi Muheim. L’objectif officiel de l’association est de promouvoir le dialogue interculturel et de faire connaître la région du Saint-Gothard. Cependant, quiconque consulte le site web de l’association ne peut s’empêcher de soupçonner que ce dialogue est mené principalement avec l’Europe de l’Est, c’est-à-dire avec la Russie, la Géorgie et la Biélorussie.

Piquant : Filippo Lombardi était déjà considéré comme un ami déclaré de la Russie lorsqu’il était membre du Conseil des États, alors même que les armées de Poutine occupaient la Crimée et que le Kremlin était internationalement ostracisé pour cela. Lombardi entretient également d’excellentes relations avec le dictateur biélorusse Alexandre Loukachenko. Une vidéo de février 2018 montre un match de hockey à Minsk au cours duquel les vétérans du HC Ambri-Piotta (HCAP), présidé par Lombardi, ont joué contre une équipe qui comptait Loukachenko comme joueur. L’équipe du dictateur biélorusse a battu les vétérans d’Ambri 11-4, Loukachenko ayant réalisé une passe décisive.

Ce n’était pas la première fois que Lombardi faisait de la politique sous couvert de hockey sur glace : les vétérans du HCAP avaient déjà fait un voyage de hockey à Sotchi en 2013, où Lombardi avait réussi à mettre une écharpe du club autour du cou de Poutine pour un effet médiatique retentissant. Selon « Schweiz am Sonntag », le voyage a été sponsorisé par l’oligarque russe Dmitry Bosov.

En revanche, l’identité de la personne qui paie la soirée des parlementaires au « Bellevue Palace » demeure un secret. Filippo Lombardi explique à ce propos qu’il n’est plus membre de l’Assemblée fédérale et que c’est donc à Roland Büchel de répondre. Ce dernier reste silencieux, et Lombardi n’a pas réagi non plus à nos autres questions.